Éditorial
C’est la saison des brumes, des brouillards trop épais, de ces purées de pois qui pèsent bien trop lourd. C’est brumaire et frimaire, c’est nivôse et pluviôse. Le moral boite bas et l’échine se courbe. C’est les 49.3 sirotant du bourbon au chaud dans le palais et c’est les 8.6 pour chasser le bourdon de ceux dormant sans toit. C’est ce qui se fait sans toi, les réformes difformes, c’est les budgets croissants pour l’armée et les flics, c’est les miettes de croissant qui valent deux euros dix et les poulets fermiers qu’on peut plus se payer, c’est les pantouflages qui gardent les mêmes au chaud, le silence des pantoufles qui restent au living-room, c’est l’école martiale et l’amour des drapeaux et c’est la triste école qui joue au mime Marceau, c’est l’éco-terrorisme, les grévistes matraqués, les « retourne en Afrique » et les yeux délavés. C’est nos pouvoirs d’action qui semblent se planquer sous les couches de merde et factures impayées nous laissant bien trop cons sans trop savoir quoi dire.
Et un jour à Carmaux, y a des veines qui pètent, qui inondent un cerveau mettant fin à la fête qu'on essaie de mener au travers des orages, un fruit des bois se barre au milieu du brouillard. C'est la mort qui s'amène et qui pousse à l’action, parce qu'il n'y a pas le choix, parce qu'il faut soutenir les yeux qui se déversent, parce qu'il faut bien tenir le parapluie sous l'averse et les copaines là pour se remémorer, et dire à ceux qui restent tout l'amour qu'on leur porte, et bien remettre en ordre les jours de la semaine, et se remettre à rire, et se remettre à croire, et mieux serrer les poings pour battre le pavé, se remettre à parler, à faire bouger les lignes, être poil à gratter et non plus immobiles, pour reprendre la fête, allumer de grands feux et modeler la brume pour en faire un chez nous qu'on aime habiter.
Oui, c’est la merde. Et oui, c’est sûrement déjà foutu.
Le maréchal Jupiter achète avec votre argent des chars d’assaut pour ses flics, recrute chez les paras à partir de 13 ans et fait une OPA sauvage sur toutes les munitions et armes non déclarées du pays. C’était pas ça que disait le vieux ? « Petit, le jour où ils comptent les armes et les munitions des particuliers, tu peux être sûr qu’on y va… »
Les sites point gouv du ministère des Armées et le plan Ambition armée jeunesse ressemblent à une tructopie en streaming où l’autre maréchal, celui des fusillés pour l’exemple en 17, aurait gagné la collaboration. On va tous crever ! Oui, et alors ? OK, voyons dans tout cela l’incroyable opportunité de répondre à la question que pose le poète aux mains d’or : « Et si j’étais né en 2000 à Montcuq, sur les ruines du service public, entre le Covid et la guerre, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été en marche ? »
Une occasion unique se présente à vous. Celle de rejoindre la résistance. Qu’elle soit artistique, ouvrière ou citoyenne, peu importe, ce gouvernement d’un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme, et particulièrement ceux de la femme, nous attaque de partout. Alors soyons partout. Et nulle part. Comme le gluten dans la bière.
Il y a presque trois ans, Mûre, une petite infirmière de quarante kilos toute mouillée avait fait le choix de la résistance. Elle est, malheureusement pour nous tous, décédée il y a une poignée de semaines. Sa mort n’a rien à voir avec son engagement. Lorsque Charles Darwin a créé les femmes et les hommes, il les a créés imparfaits. C’est arrivé, et dans tous les cas, ce serait arrivé, c’est comme ça, ainsi va et vient la vie. Mais pour bien l’avoir connue, je peux vous assurer que ces trois dernières années étaient passionnantes, dévorantes, vivantes et pas qu’un peu. Trois ans à organiser la résistance, à poser à poil dans les rues en plein confinement, à recouvrir les affiches des fachos avec la trogne à Jean Jaurès, à organiser des concerts pirates sans l’infâme passe sanitaire, à ouvrir et faire fleurir un centre d’art libre, à faire chier les bourgeois, les politicards et les patrons. Et au final, combien d’entre nous recevront, conjointement sur leur cercueil, les paquets de colle envoyés par la députée de circo de Carmaux et ceux de la CGT du sous-sol ? Combien d’entre nous auront des musiciens qui nous écrivent des chansons, des poètes qui chantent notre beauté ? Combien auront leur photo dans Saxifrage ?
Eh bien, à cause de Jupiter mais surtout grâce à la voie tracée par Mûre, la Patronne, une vie de gloire et de piraterie est enfin à portée de vos mains !
Devenez résistants, devenez Carmauzins* !
*Attention : offre sans obligation d’achat, valable uniquement avant la fin du monde pour toute personne en possession d’une folle envie de vivre.
