Le robot qui broute
Jikabo
Depuis peu, sur les pelouses, on voit fleurir (si je puis dire) de nouvelles créatures s’affairant à tondre l’herbe dès qu’elle a crû du moindre millimètre : la tondeuse automatique – intelligente même, sans aucun doute, doivent dire d’elle les publicitaires chargés de la fourguer aux amateurs de modernité. Désormais, c’est aussi sur le gazon du campus de l’université d’Albi qu’on peut voir opérer ce robot qui broute. Cela a l’apparence d’un gros coléoptère poussif et névrosé. Se déplaçant sur des roulettes, discret, silencieux, têtu, il recule devant l’obstacle, fait marche arrière, oblique, repart à l’assaut, finalement contourne ce qui n’a pas à être tondu, et à force d’obstination et de persévérance, parvient à ratiboiser tout ce qu’il y a autour, sans heurter le lampadaire ni agresser le passant. Une ligne magnétique enterrée, dit-on, le dissuade de sortir du périmètre à tondre et de s’aventurer sur le bitume environnant : sage précaution, au cas où des envies de liberté et de divagation saisiraient la bestiole. Les avantages de pareille alternative à l’emploi salarié, on s’en doute, sont innombrables. La chose ne vote ni Macron ni Le Pen. La chose ne se met pas en grève, ne demande pas de RTT. Juste, probablement, une petite panne de temps à autre, tout de même, mais seulement après l’échéance du terme de la garantie, selon la programmation de son obsolescence. La chose est taiseuse, disciplinée, docile, voire soumise. Seul réel inconvénient : elle ne dit pas bonjour quand on la croise, ne répond même pas quand on la salue.