Albigès : ça brouille l’écoute
Saxifrage
Albigès. Ce nom est connu de la plupart d’entre nous. Depuis 38 ans, cette radio locale fait partie du paysage du nord du Tarn. Créée au début par des militants occitans, elle a rapidement occupé une place à part dans les radios locales, donnant la parole à celles et ceux qui sont souvent exclus des médias, qu’on n’entend pas ou peu. Ouverte aux associations, à la culture, à la politique, au quartier de Cantepau où elle est implantée, cette radio à la voix singulière a rythmé la vie locale tout au long de ces années.
Aujourd'hui, la radio traverse de graves difficultés. Depuis la dernière AG, le CA a été profondément modifié, accueillant de nouveaux élus, adhérents de la veille, ignorant l’histoire de la radio et peu soucieux d’en défendre les valeurs. La conséquence : une crise de gouvernance et un dévoiement des missions que se donne ce média de proximité. Des émissions ont été supprimées : non seulement la Marmite infernale, émission satirique produite par des bénévoles qui ont le mauvais goût d’être aussi des membres « dissidents » du CA, s’opposant aux pratiques mises en place par les nouveaux élus ; mais encore les archives de Là-bas si j’y suis (déjà censurée sur France inter naguère) ou encore les émissions de l’ancien président, jugé persona non grata. La playlist musicale connaît la même censure : interdiction des chansons à caractère idéologique et politique. Et puis primat donné au sport, et à un certain sport : le SCA et l’ASPTT dominent l’antenne. On est loin de la ligne définie par le règlement intérieur de cette association : « donner prioritairement la place aux exclus des autres moyens de diffusion » !
L’ambiance délétère a conduit deux des quatre employés à se mettre en arrêt maladie ; l’un a désormais repris le travail, l’autre est toujours arrêté. Alertés, les membres de l’association ont donc décidé de convoquer une assemblée générale extraordinaire. Les statuts prévoient que la moitié des membres de l’association peuvent demander la tenue d’une telle assemblée : les signatures avaient été réunies mais, contrairement, à ce que prévoient les statuts, la convocation n’avait pas été envoyée par le président. Menacés par l’avocat de ce dernier, les adhérents ont transformé l’assemblée générale extraordinaire en amassada, assemblée informelle destinée à informer et à construire la résistance. Avec quatre-vingt-dix présents, cette amassada représente la quasi-totalité des adhérents. Lors de la conférence de presse donnée dès le lendemain, un adhérent déclarait : « Nous, ce que l’on veut, c’est la création d’un nouveau Conseil d’administration. Pourquoi ? Car on s’est aperçus qu’en mars dernier, lors de la dernière assemblée, de nouveaux membres que personne ne connaissait ont réussi à se faire élire et donner leur voix au nouveau président. On ne peut pas continuer comme cela. On est en train de perdre l’essence même de la radio. On avoue aussi que nous sommes inquiets pour sa survie. »
Les adhérents font part des nombreux soutiens qu’ils ont reçus : « Plus de deux cents personnes ont spontanément adhéré mais le président place ces adhésions en attente, une procédure inédite. Les associations à qui Radio Albigès a toujours ouvert ses micros sont là également. Entre autres exemples, Le Mrap, RESF, Arpèges et Trémolos, Pollux tiennent à exprimer leur soutien aux amis d’Albigès et espèrent continuer à travailler avec eux. Autres soutiens : les associations occitanes fondatrices de la radio, l’IEO représenté par madame Laux, et les éditions Vent Terral, représentées par monsieur Lescalier. L’une et l’autre sont membres de droit du CA de la radio, ils étaient présents à l’amassada. Enfin, Daniel Loddo, directeur de la Talvera, association occitane également à l’origine de la radio, s’est fendu d’un courrier dans lequel il rappelle les missions que s’est données Radio Albigés à sa création et assure que les membres de La Talvera « ne [laisseront] pas des initiatives personnelles ou des groupes quelconques détourner la radio de ses objectifs premiers ».
Le 22 novembre, le président, qui prétend vouloir « le bien de la radio », a convoqué un CA extraordinaire dont l’objectif était d’exclure de l'association les adhérents dissidents. Bel exemple d’écoute, de dialogue et de démocratie. Mais la ténacité des accusés, soutenus par un rassemblement d'une soixantaine de personnes, a poussé l'équipe dirigeante à annuler la séance, jugeant la délibération impossible, et promettant une suite au pénal. Bref affaire à suivre.