Les maux de Mauricette
Wil
Mauricette, elle est pas bête… même si elle soutient le Sporting Club Albigeois. Son balcon, dans le quartier de Lapanouse, se reconnaît avec les drapeaux aux couleurs du club de rugby local. Elle les supporte depuis presque dix ans et quand ils ne gagnent pas, elle est pas contente. Autant dire que son moral n’est pas au mieux depuis quelques années.
Les petites joies, comme une victoire du SCA, un café avec une voisine, des caresses à ses chats, une heure sur un banc avec son mari Franck… ça fait la différence pour lui arracher des sourires, à Mauricette. Le reste du temps, elle angoisse, que des bagnoles crament, que des jeunes fassent du bruit, qu’il manque de rosiers dans le quartier et que faudrait des trucs de paroles, des clowns et des concerts de sosies.
Mauricette, je l’ai rencontrée en 2017… à Lapanouse donc, vu qu’elle en bouge pas beaucoup. Quoique, faudrait pas croire, elle a visité Venise, et puis elle vise la Grèce maintenant. Mais le gros de l’année, c’est du quatrième d’une des tours du quartier qu’elle envoie ses idées et arrose ses fleurs en payant la douche au voisin du dessous au passage.
Des douches d’ailleurs, il n’y en a pas assez selon elle, dans le quartier… « pour les SDF ! », qu’elle me dit un jour tout enjouée. Comme des bains publics de l’époque, où on pouvait se refaire une fraîcheur pour pas beaucoup et garder un peu l’habitude de se laver avec autre chose que du rouge dans le gosier.
Elle est un peu hygiéniste je crois, Mauricette… elle voit de la saleté partout, même sur des bancs qui sont vieux certes, mais pas non plus à jeter aux égouts. Elle exagère un peu sûrement, quand elle dit qu’il faudrait que Macron vienne, et puis le Préfet, pour trancher une bonne fois pour toutes.
Et moi je me dis que si elle en est là, c’est que les assos du quartier ont pas fait le taf… ou que la mairie elle s’en arrange de tout ce merdier. La faute à qui ? Le manque d’autorité, le communautarisme ou le capitalisme financier ? Mauricette elle pense que c’est l’autorité qui manque. Pas pour envoyer l’armée, mais pour prendre en main les choses, faire des soirées disco, des repas de quartier, des plantations d’arbres pour la fraîcheur, et aussi deux ou trois réprimandes à ceux-là qui sont encore debout à trois heures du mat, à cramer du pétrole avec leurs scooters même pas volés…
Mauricette, elle a perdu une de ses meilleures copines, presque sa sœur, y a pas longtemps… comme ça, sans savoir pourquoi Dieu l’avait rappelée comme elle dit. Ce qu’elles avaient en commun, l’amour de Frédéric François pour l’essentiel et, j’imagine, un certain sens du bonheur simple. C’est dans la chapelle qu’a eu lieu l’enterrement, celle où ils se sont mariés Franck et elle. Ça lui a fait comme si on lui arrachait le cœur… et moi, je sais pas très bien comment l’aider, Mauricette. À aller mieux, à vivre ses rêves et à organiser des concerts de sosies… je me sens bien bête, même si je soutiens pas le Sporting Club Albigeois.
Les maux de Mauricette (podcast)