Éditorial
On n’y coupera pas… C’est sûr, on va tous et toutes mourir. Mais avant notre dernier souffle, il nous en reste à gueuler, les poumons pleins de contradictions magnifiques. On hume çà et là, le nez dans l’air du temps, les bribes de discours et les sentences rageuses. Cependant, le « mourir d’accord mais le plus tard possible » ne semble plus, à l’ère d’Orpéa, aussi séduisant que pendant les années optimistes. Il n’est plus tellement évident que les âmes aspirent paisiblement à la poussière sans avoir vécu un peu intensément du feu des joies mélangées.
Rien que dans le Tarn, on aura vu des cortèges de la Conf’ monter et montrer leurs plus beaux tracteurs, aux côtés de la bagnole de l’UNSA récitant comme à la messe un exposé de collégien, mention honorable, argumentant contre la réforme des retraites jusqu’au retrait. On aura senti le vent des cotillons cendrés du carnaval populaire, brûlant de joie après lo jutjament de l’Òme Carnaval et son projet !, promettant en riant la promo d’une retraite à 59,99 ans seulement, offre cumulable avec un salaire à vie. Avec Solidaires, la CFE-CGC, la FSU, FO, la CFTC, le redoux dingue de la CFDT, les Gilettes Jaunes et autres sans étiquette ni drapeau, on aura frisé la moustache de la CGT. On aura vu jumeler les improbables dans des journées plan-plan, des actions grévées et des chansons punkées. Saxifrage aura fourgué des brassées d’invendus pour que dalle. « Ils nous aiment comme le feu », comme disait l’autre. Et on aura bien brûlé.
Mourir jeune ou à peu près, en se battant pour la retraite en pleine forme, pour ne pas avoir à vieillir en mauvaise santé et se laisser aller à voter pour le pire, se laisser embourgeoiser. Mieux même, mourir vieux sans jamais avoir travaillé pour le capital, l’ordre ou la sécurité, mais pour accompagner la Terre jusque dans ses derniers instants de mort naturelle… quand le soleil fermera boutique et nous mettra tous et toutes dedans.
En attendant, il va falloir se former à l’autogestion égalitaire, se prendre de désir pour l’organisation plutôt que l’ordre, et vite parce qu’il se pourrait bien qu’on gagne, et que celles et ceux qui ont mené les combats de plein fouet seront sans doute bien fatiguées. Il faudra empêcher les opportunistes de tout bord de tirer les marrons du feu et de se replacer du bon côté du doigt accusateur. Il faudra s’abîmer dans nos propres contradictions pour en tirer autre chose que de l’éphémère. Il semble qu’on ne soit plus très loin de la lumière des phares. Faudrait pas s’aveugler.