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Un grand moment de confinitude

Photo de Mathu CK
Photo de Mathu CK

La fulgurance du radis

Le 20 avril 2020

Il y a quelques jours, mon premier radis est sorti de terre. Évidemment, je suis bien conscient que cette nouvelle ne va pas bouleverser vos vies, ni changer la face du monde. Mais en ces temps troublés, aux confins de l’ennui, regarder les radis pousser occupe la journée. Après trois jours d’observation attentive, je suis formel. Le premier de cordée n’a strictement aucune influence sur le reste de la troupe. Chez les radis règne le chacun pour soi. Avec un peu de retard sur le prodige, la plupart de ses congénères pointent finalement leurs feuilles. Il va falloir penser à éclaircir le semis. L’éclaircissement est aux radis ce que le capitalisme est aux humains. La main invisible du maraîcher commande et détermine votre existence. Le premier de cordée ayant pris un peu d’avance sur les autres est en principe protégé des aléas de la vie. Il n’en va pas de même pour le gros de la troupe…

Le radis est un légume éminemment politique. D’abord, réduit à son feuillage, il est vert. Ensuite, il prend une coloration rouge ou rose. Certains, m’a-t-on dit, sont même noirs, c’est dire. Sympathique, cette racine ! Las, en grossissant, le radis révèle sa vraie nature. En fait, il est blanc. Sa chair, sa racine sont foncièrement réacs. Le radis est le Macron de la nature. En vieillissant, le radis s’avère creux.

Maintenant, la course est engagée, le radis est fulgurant. En trois semaines, il est mature. Avec un peu de chance, je devrais pouvoir consommer les miens avant la fin du confinement. Il sera alors temps de semer les betteraves rouges, plus lentes, plus sucrées, plus subtiles, plus franches, mais nettement plus savoureuses. Voire peut-être des scorsonères, cette racine noire venue d’Espagne…

Jean-Pierre Cuq

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Distanciation vs distances

Le 19 avril 2020

La sémantique totalitaire actuellement en vigueur n’a pas échappé à notre colporteur toulousain (Mass, à qui on ne la fait pas). Pourquoi les autorités font-elles la promotion de la « distanciation sociale », quand de simples « distances sanitaires » feraient plus clairement l’affaire ?

Des distances sanitaires, ce sont, au pluriel, des dispositions concrètes et objectives. Ce sont, littéralement, des mesures de santé publique. Au contraire, la distanciation sociale, c’est abstrait, massif, généralisateur, inquantifiable, universel. Ça nomme, au singulier, un processus, pas juste des intervalles. Ça dépasse le mètre réglementaire devant nous séparer les uns des autres et la prohibition de l’embrassade. Ça va plus loin que nos espacements hygiéniques. Ça voit plus loin que la fin de la pandémie. Ça véhicule toute une philosophie politique : c’est un projet de société.

Jikabo

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Aujourd’hui, on change de siècle

Le 17 avril 2020

Les historiens font volontiers commencer le XXe siècle en 1914. Et dans la corporation, il commence à se dire que 2020 serait un bon millésime pour démarrer le XXIe. Autant le passage à l’heure d’été aura, ce 29 mars 2020, rarement été aussi discret, autant ce changement d’époque ne passe pas inaperçu, tant le contraste est grand. Rappelez-vous donc le siècle dernier, comment c’était, en 2019.

La mode n’était pas au blanc des blouses, mais au jaune des gilets. L’heure était à la convergence des luttes, pas à la distanciation sociale. On ne parlait pas de guerre sanitaire, mais de guérilla urbaine – et de retraite. Les masques dissimulant le visage n’étaient alors pas très bien vus, et le contrevenant était celui qui portait lunettes de plongée et foulard, non pas celui qui s’en dispensait, alors que, dorénavant, même la burqa et le niqab sont presque en odeur de sainteté. La police n’était pas préposée au respect des intervalles de sécurité : elle allait au contact avec les manifestants. L’adjectif « viral » n’était alors employé que pour qualifier la vidéo de Christophe Dettinger affrontant des robocops à mains nues. Ce n’étaient pas les pneumologues et les épidémiologistes dont l’expertise médicale était sollicitée, mais les ophtalmos et les chirurgiens. Nos blessés de guerre ne crachaient pas leurs poumons : ils étaient borgnes. Le contrôle des populations fédérait un peu moins unanimement qu’il ne le fait aujourd’hui pour-notre-bien-à-tous, ça bronchait encore dans les rangs. Les péages et les radars routiers ne rapportaient rien parce qu’ils avaient été carbonisés, pas parce qu’aucune voiture ne leur passait plus devant. Les commerces et l’industrie du tourisme pouvaient apercevoir le bout du tunnel, et faisaient le dos rond en attendant, qui les soldes, qui les vacances, dont le calendrier est plus clair que celui de l’extinction d’un virus. On scrutait les chiffres des manifestations du samedi – selon les organisateurs, selon la préfecture… Désormais, notre quotidien morne est rythmé par la litanie du nombre de morts, et on ne dispose plus que des chiffres de la police.

Jikabo

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Problème

Le 16 avril 2020

École à la maison – Mathématiques

Sachant que nous sommes le vendredi 20 mars,

Qu'il y a, à partir du lundi 16 mars (date du premier jour de fermeture des écoles à la suite des actuelles mesures sanitaires), 16 semaines avant le samedi 4 juillet (date du début des vacances d'été),

Que tu vas à l'école 4 jours par semaine,

Que les mesures de confinement seront vraisemblablement repoussées à partir du lundi 30 mars de 15 à 45 jours,

Qu'il y a en avril 2 semaines de vacances,

Qu'il y a cette année, 6 jours fériés – pont scolaire compris – placés en semaine (attention, tu appartiens à la zone C, en vacances du 4 au 20 avril, période comprenant le lundi de Pâques),

Trouve le nombre de jours où tu joueras peut-être au foot avec tes camarades à la récréation avant les grandes vacances.

Légos et calendrier des pompiers autorisés.

Jérôme Pinel

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Délinquance ordinaire

Le 13 avril 2020

Il s’était préparé à l’avance. C’était prémédité.

Pour parer à toute éventualité, il a établi un faux : une auto-attestation dérogatoire auto-attestant qu’il dérogeait loin de chez lui pour des courses alimentaires de première nécessité. Il s’est inventé un scénario crédible : le retrait à la ferme d’un colis d’agneau. Il a fait un bon repérage avant : coup de fil aux autochtones, carte IGN au 25 000e. Il a pris les petites routes, de celles que l’on nomme « routes des quatre grammes », et qui sont d’ordinaire réservées aux retours alcoolisés. Il s’est dit avec un peu de jubilation que c’était ça, habiter un territoire : en connaître les chemins de traverse, les angles morts du contrôle routier, les tracés de contrebande, les zones de non-droit gendarmesque. Il a même découvert pour l’occasion un petit détour par derrière la voie ferrée qui, entre les nids de poule, réduisait encore davantage la portion, toujours préoccupante, de départementale. Ne restait que l’intersection critique entre la D600 et la D958, principale faille dans son itinéraire. Il l’a passée sans encombre, sans témoin, sans traîner non plus. Il a avalé avec vélocité les derniers kilomètres. Il s’est réjoui de constater que les drones ne survolaient pas encore la vallée de la Seye. Il est arrivé à destination – encore un délinquant qui aura su se soustraire aux rigueurs de la loi. Go fast accompli avec succès.

Il a rendu visite à des amis.

Jikabo

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Vacances

Le 8 avril 2020

À la fin du confinement, quand tous les confinés retrouveront leurs amis chers, ce sera comme des retrouvailles de rentrée après de très longues vacances. Sauf que tous auront passé leurs vacances respectives au même endroit : chez soi.

Jikabo

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Après le cocon confiné

Le 5 avril 2020

Le confinement a imposé comme la norme, sans dérogation possible, ce que depuis trois décennies, psychologues de plateaux télé et sociologues pour magazines d’intérieur n’ont eu de cesse de nous vendre comme un type de vie désirable : le cocooning. Le mot, rappelons-le avec Wikipédia, désigne « l’attitude consistant à se trouver si bien chez soi qu’on n’est guère poussé à en sortir excepté pour les nécessités vitales ». Certes, le mot « casanier » disait cela depuis longtemps, mais sa connotation désuète et péjorative a ouvert un boulevard au néologisme inventé en 1987 par une certaine Faith Popcorn (Foi Maïs-Grillé !), consultante en marketing. Le cocooning, ça fait moins pantouflard et étriqué, c’est plus fun, plus cool, plus in, plus smart. Et depuis, les rédacteurs dePsychologie Magazine, les entreprises du web, les marchands d’ameublement et d’édredons, les tenants de la fin de l’Histoire – tous ont érigé les dimanches de pluie et de gueule de bois en modèle de société, nous ont seriné les charmes vénéneux du cocooning généralisé. Lequel, du reste, est aussi le rêve de tout gouvernant.

À présent que le déplacement est dérogatoire, et les contacts prohibés, le coconnage devient donc le standard. En l’état, nous sommes tous des chenilles. À quand les papillons ?

Serons-nous Paons du jour ou Sphinx tête de mort ?

Jikabo

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Le complexe de Cassandre

Le 4 avril 2020

Saxifrage est un journal prémonitoire.

Dans le registre sérieux, au moment des attentats de 2015, nous pronostiquions que l’état d’urgence décrété alors risquait de devenir permanent (voir « L'acide du peuple », Saxifrage, n° 3). La crise actuelle accentue le phénomène, et il y a fort à parier que les décisions prises par ordonnance sous prétexte sanitaire dureront bien plus que la pandémie, tout comme la plupart des dispositions contenues dans l’état d’urgence de 2015 ont été intégrées dans la loi ordinaire.

Dans un registre moins sombre, notre numéro 18, dont la sortie a été comme tout le reste ajournée, devait porter sur les élections municipales, plus précisément sur le municipalisme. Le confinement nous ayant empêchés de paraître, le gouvernement, dans son infinie sagesse, va sans doute reporter à septembre le second tour des élections, voire en annuler le premier tour, afin que notre sommaire soit toujours d’actualité à sa sortie. Et puis surtout, ce même numéro ouvrait un débat sur l’instruction, amorcé par un de nos contributeurs militant pour l’école à la maison. On peut légitimement penser que ledit débat risque d’être nourri, et même animé, après deux ou trois mois d’expérience in vivo à grande échelle.

Complétaient cette dix-huitième édition, outre un retour sur notre fête de soutien du 1er février (que c’est loin !), un très beau poème sur la mort, thème malheureusement d’actualité, et le compte rendu de la visite d’une installation d’aquaponie combinant maraîchage et pisciculture.

Préparez-vous à bouffer du poisson.

Jean-Pierre Cuq

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Ceci n’est pas une fiction de l’effondrement

Le 3 avril 2020

Alors que l’humanité docile et confinée se repasse en streaming tous les films de SF qui ont façonné son imaginaire catastrophique depuis des décennies, tentant d’y trouver des scénarios types pour comprendre ce qui est en train de lui arriver, il est une évidence qu’il convient de rappeler.

Dans les fictions de l’effondrement, ça ne se passe pas comme ça. Il y a, d’abord, les jours d’avant. Heureux, cela va sans dire. Même si le film n’a en général que quelques minutes pour brosser cette innocente insouciance, les flash-backs sont là pour ça : montrer comment c’était bien avant. Puis il y a – plat de résistance du topo – le jour J. J comme Jugement, Jéhovah ou Joker. Le jour où tout bascule. Guerre, pénurie, maladie, mutation, catastrophe naturelle, climatique ou écologique… les ennemis varient, mais ont en commun de mettre vingt-quatre heures à opérer. Puis vient le jour d’après : là aussi, il y a matière à un film. Et enfin, souvent hors champ, les surlendemains, qui chantent aussi faux que les avant-veilles.

Mais pour nous, c’est différent. Nous vivions dans un monde déjà effondré. C’est juste que ça se voit davantage, dorénavant. Et contre cela, nul vaccin, nul sauveur. Nul après. Il n’y aura pas de « retour à la normale ». Nous sommes dans une nouvelle normalité, qui découle normalement de celle d’hier, dont elle n’est que la grimace. Et c’est pourquoi l’état d’exception a si tôt fait de devenir la règle.

Jikabo

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Dissonance cognitive

Le 2 avril 2020

En période de peste ou de révolution, les Français ont pour tradition de fuir les villes. Selon le sociologue français Jean Viard, spécialiste de la vie rurale, il est courant que les élites, de l’aristocratie du Moyen-âge aux grands bourgeois du XIXe siècle, se préservent de la maladie, des émeutes ou de la révolution, en regagnant leurs refuges à la campagne.

Il semblerait que ce comportement soit toujours d’actualité. D’après une analyse statistique des données téléphoniques fournies à l’INSERM par l’opérateur Orange, 17 % des Parisiens (Le Monde, 26 mars 2020) et 25 % des Toulousains (La dépêche du Midi, 2 avril 2020) auraient quitté leur logement pour rejoindre leur résidences secondaires (après Paris, Toulouse est la deuxième ville où l’exode a été le plus important). D’après Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l’agence régionale de santé du Pays de la Loire, entre 150 000 et 200 000 personnes auraient migré en Loire-Atlantique et Vendée à l’approche du confinement (Le Reporter sablais, 24 mars 2020). Parmi les destinations favorites : l’île de Ré où la population aurait augmenté de 30 %, ou encore les îles du Morbihan…

En quelques jours, pour se protéger des risques de contagion et des conditions déplorables de confinement en ville, les urbains ont donc migré massivement à la campagne, ils se sont exilés des zones de guerre épidémiologique pour se réfugier derrière le front, en zone rurale, en espérant y trouver sécurité et confort.

Je me demande bien comment, après cette crise, ces gens jugeront les migrants de Syrie et du continent africain, qui s’exilent des zones de guerre pour se réfugier un temps chez nous ?

Chachayver

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Attestation de déconfinement dérogatoire

Le 28 mars 2020

Attention à la troisième semaine. D'après les études psychologiques portant sur les situations de confinement (volontaires ou pas : spéléologues, astronautes, cosmonautes, spationautes, mineurs de fond, etc.), c'est la troisième semaine de confinement qui est la plus difficile. Avec, à la clé, toutes sortes de symptômes d'hiver et variés : stress, angoisse, crise de nerfs, dépression, régression, répression (et Jean passe... par-là). Toujours selon les psychologues (qu'on n'a sans doute pas fini d'entendre), pour se sortir de cette mauvaise passe, il est primordial de se projeter dans l'avenir, d'envisager la fin de la période, d'anticiper et de fixer son attention sur le but à atteindre – en l'occurrence, la fin du confinement. J'y ai bien réfléchi (c'est vrai qu'on a le temps pour ça), et j'ai trouvé une solution, ma solution. Il suffit de relire « l'attestation de déplacement dérogatoire », mais un peu à l'envers, en miroir, à rebours, à rebrousse-poil.

Dans quelques semaines, je pourrai donc faire des déplacements très longs et très loin de mon domicile ; faire des activités plus ou moins physiques avec plein de personnes (apéros, barbecues, croisières de luxe, partouzes, mêlées de rugby, etc.) ; laisser mes animaux de compagnie se démerder tout seuls ; ne plus me déplacer pour aller aider les vieux, et surtout ne pas aller garder des gosses. Je me sentirai en très bonne santé, je n'irai donc plus jamais à la pharmacie, consulter mon médecin et encore moins à l'hôpital. Je n'effectuerai plus aucun achat de première nécessité (de toute façon, le congélateur est plein), mais au contraire, j'achèterai tout un tas de trucs qui ne servent à rien : des outils, trois parasols, des lunettes de plongée, un four à micro-ondes, un gilet bleu, et plusieurs ratons laveurs. J'arrêterai définitivement le télétravail, même si je n'ai toujours pas compris en quoi ça consiste (regarder la télé n'est pas un vrai travail), et je reprendrai enfin mon boulot. Étant retraité, ça ne va pas beaucoup me changer.

Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, et tout à fait personnelle. À vous de vous fixer vos propres buts, car chacun voit midi et demi à sa fenêtre (vu qu'on peut pas aller dehors).

Jean-Claude Lerat

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Singularités

La singularité désigne, entre autres, un état de la matière où les lois de la physique einsteinienne se trouvent inopérantes. Métaphoriquement, ce concept illustre bien les paradoxes de la période que nous vivons – et c’est la valse des oxymores de circonstances. Comment penser l’impensable, en anarchiste obéissant, pratiquant l’abstentionnisme civique et l’amour sans contact ? Comment s’enfermer pour s’en sortir, à échéance prolongeable, tout en restant inactif en grève et traîne-savate au chômage, muni d’une auto-attestation dérogatoire ? Quelle singulière singularité !

Mass

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Posologie du confinement

Troisième jour

État de santé général : aucun symptôme apparent.

État physique : en cours d’évaluation. Risque encouru : prise de poids. Risque maitrisé grâce aux balades quotidiennes en roller. Rouler au milieu des routes désertées est assez jouissif.

État mental : en cours d’évaluation. Risque encouru : perte de l’usage de la parole, dépression (les stocks de chocolat s’amenuisent de jour en jour – je répète : les stocks de chocolat s’amenuisent de jour en jour), se croire invincible et prendre le périph en roller (si si, j’ai déjà atteint se stade de pensée).

Interaction professionnelle : faible, très faible. Risque encouru : aucun. À noter qu’hier, j’ai reçu un mail des Ressources humaines, nous informant que les demandes de temps partiel pour l’année 2020-2021 devaient être transmises avant le 13 mai. J’ai pris ça pour un message subliminal : l’expérience de ces jours de télé-glandouille aura-t-elle des répercussions sur les demandes de temps partiel ?

Prévisions d’activité pour la journée : jardiner. Risque encouru : coup de soleil.

Cinquième jour

État général : blessure au pouce. Objet : marteau. Les bricoleurs du dimanche, dont je fais partie, qui se mettent à bricoler tous les jours augmentent significativement leur probabilité de blessures. Voila une belle externalité négative du confinement !

État physique, risque encouru : prise de poids. Niveau de maitrise du risque : bon. Les balades quotidiennes sont encore possibles. Je déambule dans les interstices de la ville : je longe le périphérique, traverse les zones d’activité désertées et emprunte les routes en pétales des quartiers résidentiels bâtis dans les années 70. Aucune raison de me perdre, dans ces quartiers les routes ne mènent nulle part, ou tournent en rond.

État mental/psychique : stable. Cependant, je constate que le voisin joue un rôle majeur dans la capacité à supporter le confinement, selon qu’il lutte contre le spleen à coup de Céline Dion et de Jean-Louis Aubert, ou contre le virus en m’offrant d’aller me balader pour lui faire ses quelques courses de survie.

Interaction professionnelle : zéro parce que c’est le week-end… si cela signifie encore quelque chose ces temps-ci.

Prévisions d'activité pour la journée : maroquinerie. Risque encouru : défonce à la colle néoprène.

Huitième jour

État général : à l’équilibre (ou peut-être plutôt sur le fil ?). À surveiller.

Conditions physiques, risque encouru : hypotonie. Niveau de maîtrise : en baisse. Les déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, ont été  limités à un kilomètre autour du domicile, et à moins d’une heure. Ce sont les  recommandations de l’OMS pour se maintenir « en santé ».  Ça me fait penser aux veaux, vaches, cochons élevés dans des cages aux tailles recommandées par la FAO.

État mental : apathique. Quoiqu’il n’y a rien de plus stimulant pour le cerveau que de chercher un moyen d’évasion. Dans le cas présent, cela passe par la recherche de l’itinéraire « roller-compatible » dans le périmètre autorisé. Finalement, la préparation des balades revient à peu près à faire un sudoku. Ces casse-têtes logiques sont bons pour le cerveau.

Interaction avec le voisinage : des amis sont passés aujourd’hui, mon voisin n’a pas appelé la police mais il me parle d’encore plus loin.

Interaction professionnelle : ..bvvvvv…. touwit…… Chargement en cour.. bvvvvv …touwit

Prévisions d'activité pour la journée : slow jardinage. D’après mes calculs,  il ne me resterait que deux ou trois jours d’activité avant d’être en pénurie de terre arable.

Chachayver

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Octeenager

Ma chérie appelle sa grand-mère, octogénaire confinée dans un EHPAD, dont la mémoire immédiate présente des trous dans la raquette. Je l’entends lui réexpliquer, gentiment et depuis le début, le coronavirus, la pandémie, le confinement, tout ça. Comme si la vénérable dame faisait partie des 14 Allemands qui, participant à l’émission de télé-réalité Big Brother, coupés du monde du 10 février au 17 mars, ont tout appris en bloc. Pourtant, la mamie n’a guère le profil de ces teenagers attardés, télégéniques, calibrés par un casting sélectif. Ce genre d’incongruité n’est pas la moindre des petits surprises du Covid-19.

Jikabo

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Prof cherche emploi

Enseignante sans travail, je cherche un emploi dans le milieu agricole. Je n’ai aucune expérience réelle dans l’agriculture mais j’ai côtoyé très régulièrement des chefs d’établissement totalement dans les choux, des élèves qui racontaient des salades, fait des cours qui étaient de véritables navets, enduré des réformes à la noix. Mon ministère me prend très souvent pour une poire, j’ai souvent fait le poireau devant mon ordi. J’ai aussi de grandes qualités pour faire des rangs d’oignons super bien alignés. Je pense donc avoir certaines compétences pour venir vous aider vu que je glandouille rien. Les pruniculteurs devraient fortement étudier ma candidature pour la fin de l’été car je travaille aussi pour des prunes, et malgré tout je garde la pêche. Je ne serais pas contre mettre un peu de beurre dans mes épinards vu que suis fauchée comme les blés. Par contre, je refuserai toute proposition pour les radis… je n’en ai jamais eu.

Fabienne, enseignante en vacances (d’après Sibeth Ndiaye)

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Sujet de philo

De la part de l’épicière de Monestiés, qui voit tous les jours des gens se déplacer pour uniquement acheter La Dépêche du Midi : le droit à l’information doit-il être prioritaire sur la protection et la santé ?

La rédaction de Saxifrage sera heureuse de recevoir vos propositions de textes, de photos, de dessins et de sons.

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